Critique DogMan : chien mouillé

Published 2024-02-16 00:00:00

DogMan voit Luc Besson revenir par la grande porte des festivals, après plusieurs déboires judiciaires, de gros flops critiques et publics, pour une œuvre faussement rédemptrice mais réellement lourdingue et invraisemblable.

DogMan vient tout juste d’être présenté à la prestigieuse Mostra de Venise, tout juste précédé de retours assez calamiteux de la part de la presse étrangère. Après ce retour par la grande porte que lui a réservé la profession, tentant au passage maladroitement de redorer l’image d’un artiste en totale disgrâce, artistique et juridique, c’est au tour de l’aussi réputé Festival du Cinéma Américain de Deauville que Luc Besson vient présenter, cette fois hors-compétition et dans la section Premières, son dernier long-métrage. Deux heures avant une conversation prévue avec le metteur en scène, ce dernier débarque en catimini dans la salle qui projette pour la seconde fois du Festival son dernier projet, étonnant le public venu remplir cette séance quasi-comble. Ce dernier, très discret, remercie les spectateurs et déclare très modestement que ne pas aimer DogMan, c’est être dépourvu de cœur, avant de disparaître sous les applaudissements.

Festival de Deauville 2023 - DogMan
© 2023-LBP-EUROPACORP-TF1 FILMS PRODUCTION-TOUS DROITS RESERVES

Pourtant, une fois le roi déchu du cinéma français parti, et malgré cette déclaration aussi sincère que plutôt démagogique, DogMan suscite chez beaucoup l’hilarité. Cependant, avec ce cocktail étrange entre les lourdingues Joker de Todd Philipps et Danny the Dog de Louis Leterrier, Luc Besson tente coûte que coûte, et presque tout aussi sincèrement, de son point de vue du moins, de se racheter. Derrière l’interprétation géniale de Caleb Landry Jones, le cinéaste tente ainsi d’y impulser, toujours aussi grossièrement, tout ce qui a fait la renommée de son cinéma avec tous les maux actuels d’une société qui l’a rejeté. Travestissement, rejet de la différence, portrait de femme forte, tout dans DogMan sent la prise de conscience aussi surlignée qu’elle suscite autant de dégoût, et d’hilarité, que cette tragédie lourdingue et appuyée. Luc Besson serait-il donc définitivement et injustement maudit ?

Coup de Joker

DogMan nous conte ainsi, sur près de deux heures, l’histoire tragique de Douglas, enfant rejeté et meurtri qui ne doit sa survie qu’à ses congénères à quatre pattes. Père violent, métaphore christique appuyée, et d’autres joyeusetés viendront ainsi alourdir peu à peu cette avalanche mélodramatique qui finit rapidement par écœurer. Parce que si la finesse du cinéaste n’a très justement jamais été mise en avant au sein de sa filmographie, tant dans sa mise en scène que dans ses scénarios, DogMan s’avère ainsi incarner un petit sommet de non-retour, empilant avec horreur tout ce qui a fait grandir les rangs des détracteurs de ce dernier. On y retrouve ainsi l’avalanche de violence totalement gratuite contre des antagonistes écrits à la truelle, dans un final sous-éclairé et étonnamment rachitique, avant un sommet larmoyant ici transfiguré en étirement indécent de ridicule.

Festival de Deauville 2023 - DogMan
© Capture d’écran YouTube, 2023-LBP-EUROPACORP-TF1 FILMS PRODUCTION-TOUS DROITS RESERVES

Parce que Luc Besson, au scénario comme à la mise en scène exagère à peu près tout, ce qui rend son DogMan franchement plus drôle que réellement poignant. Des chiens alliés deviennent ainsi de véritables hommes de mains, sachant à la fois presque lire, et s’exécuter plus efficacement que n’importe quel apprenti commis de cuisine dans une scène hilarante de préparation culinaire. Cette ode à la différence se mue ainsi en ode au non-sens, où seul parvient à exister un monstrueux Caleb Landry Jones, portant à lui seul cette niaiserie prétentieuse et caricaturale. Ses numéros musicaux impressionnants (seuls véritables morceaux de bravoure du film), et une démarche titubante, vacillante et déchirée, n’ont ainsi rien à envier au numéro oscarisé de Joaquin Phoenix dans le Joker de Todd Philipps, qui s’amusait lui aussi à singer d’autres œuvres, cette fois beaucoup trop grandes pour lui, de La Valse des Pantins à Taxi Driver.

Montrer patte blanche

Mais voilà, à part le numéro impressionnant d’un acteur qui transfigure en bien des silences ce que le scénario de Luc Besson ne saura jamais raconter, tout sonne faux. Ce dernier se contente ainsi d’ajouter à sa formule déjà essorée dans son précédent Anna tout ce que lui reproche l’époque, en ne cochant que bêtement des cases, comme pour tenter de montrer patte blanche et de signer ce qu’il imagine sûrement comme sa grande œuvre rédemptrice. Un personnage de psychologue complètement accessoire, un autre d’inspecteur des assurances incarnant grossièrement le mâle toxique tout juste de passage, et un cabaret de travestis où les personnages attachants et les meilleures scènes du métrage se voient rattrapés par l’incessante lourdeur crétine du scénario.

Festival de Deauville 2023 - DogMan
© 2023-LBP-EUROPACORP-TF1 FILMS PRODUCTION-TOUS DROITS RESERVES

Un parangon atteint dans un interminable et lourdingue final, où tel un Roman Polanski, (d’ailleurs aussi présent à Venise, dont le dernier projet se voit d’ailleurs accueilli avec un rejet encore plus cinglant que celui réservé à ce DogMan) qui se projetait en Alfred Dreyfus dans J’accuse, Luc Besson s’imagine, en surlignant à peine le trait, en figure sacrificielle et rejetée. Et de nous conter, derrière l’invraisemblable chemin de croix de son personnage, le sien, du rejet soudain du public et de la critique, de l’acharnement judiciaire, du refuge dans l’art, du théâtre aux standards français et américains, et de comprendre ainsi pourquoi tout cela paraissait aussi artificiel qu’appuyé. De quoi, après le rire et l’invraisemblance, susciter quelque peu le dégoût, d’un cinéaste se rêvant ici en dramaturge mis au ban de la société, mais dont l’accueil dans des prestigieux festivals relève plutôt ici du flagrant copinage et de la foireuse escroquerie.

DogMan sortira le 27 septembre 2023.

Avis

Avec DogMan, Luc Besson croit signer son œuvre rédemptrice ayant à la fois digéré son cinéma et tous les maux d'une époque, dont on lui reproche d'incarner l'une des figures les plus monstrueuses. Il n'en est cependant rien qu'une tragédie oscillant entre grossièreté et hilarité, portée par un acteur monstrueux exprimant en bien des silences ce que ce mea-culpa poussif et opportuniste ne saura jamais délivrer.

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Source : linfotoutcourt.com

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